L’art minimaliste et chevaleresque
Souhaitant garder la pureté de ses dessins d’écolier, l’artiste aime les réaliser dépourvus de couleur pour exprimer la sobriété. Garder dans ses œuvres sa spontanéité enfantine sans rentrer dans des considérations esthétiques est l’une de ses priorités. À chaque fois, il se fait plaisir dans la découverte de son prochain relief où il bâtira son architecture éphémère. Tous ses châteaux et demeures, ses clochers et villages relèvent bien de l’imagination d’un homme transposant, dans toute l’Europe, ses montagnes auvergnates issues de la terre de France.
Comme l’artiste s’ennuie très vite, chaque œuvre se doit d’être un petit moment de plaisir.
Dans un premier temps, une montagne ou un éperon rocheux issu du hasard. Ce dernier va définir l’emplacement des bâtiments qu’il souhaite créer. L’artiste aime terminer par de la perspective. S’ouvrir sur des horizons toujours plus lointains et entrouvrir les portes de l’imaginaire de chacun de nous est une constante chez lui.
Qu’y a-t-il derrière la montagne ? Nul ne le sait. À nous d’imaginer et de partir en voyage.
Dans tous les cas, chaque œuvre est unique. Dessin d’un éternel enfant dans le monde des adultes. Dessins simples et épurés qui ne s’encombrent pas de la couleur pour donner plus de légèreté.
Cette sobriété voulue exprime le caractère du peintre qui cherche à aller droit au but et éviter ainsi le superflu qui alourdirait l’espace par une accumulation éventuelle de couleurs ou de monuments...
Cet espace, il le souhaite toujours plus léger comme sur un fil. Trouver la légèreté dans un trait, dans une courbe… à l’inverse de chercher une couleur qui risquerait de rendre ses paysages plus lourds et plus figés alors qu’ils sont dans la transparence. La feuille de papier suffit à elle-même pour faire un fond.
Sur la toile, une seule couleur comblera son bonheur. Ne jamais se lasser du dessin, garder cette constance, cette légèreté qui le caractérise comme dans son imaginaire.
« À quoi bon se compliquer l’existence quand on peut faire simple ? » Inlassablement, exprimer le plaisir de dessiner et de laisser glisser sur le support « les courbes du hasard » qui créent les reliefs. Tout le reste n’est que construction.
Chaque œuvre est signée, datée et référencée à l’inventaire de l’artiste pour attester de son authenticité. Artiste prolifique depuis 1978, plus de 10 000 dessins ont été inventoriés, notamment sur ses cahiers de dessins à la couverture noire. Il ne compte plus les milliers de feuilles ou simples bouts de papier, « aussitôt dessinés, aussitôt jetés ». Son œuvre est unique. C’est une première dans le monde de l’art. Conserver à tout jamais la spontanéité primitive d’un enfant qui, malgré le temps, a souhaité immortaliser religieusement cet élan enfantin qui fit son bonheur. Garder ce qu’il y a de plus pur pour continuer à exprimer ses rêves et donner une œuvre intemporelle, si personnelle.
« Aimé ou détesté, point besoin de signature pour reconnaître l’empreinte d’un artiste dans le monde de l’art. Sa particularité se doit d’être unique. L’histoire fera son œuvre. »
À quoi bon exposer l’expression intime d’un être dont la multiplicité et la continuité à travers le temps expriment une des facettes d’un art souvent sous-estimé par sa simplicité ? Sortant comme il dit « des courants d’arts ou courants d’airs de l’histoire picturale », il est minimaliste dans ses traits, minimaliste dans la couleur. L’espace est son royaume comparable au silence indispensable dans la musique classique. Cet art figuratif est une émergence de son temps. Art populaire dans l’improvisation. Oeuvre sans équivalence par sa singularité. Déconcertante, elle a la particularité de se faire remarquer dans l’originalité du thème et dans l’absence de sophistication à le traiter. Penser que tout a été fait dans le monde de l’art, que seule la provocation serait le dernier moyen de nos contemporains pour se faire remarquer, serait une hérésie. Il n’est pas vain de croire qu’il n’y ait que les autodidactes pour avoir gardé un œil neuf sur l’approche du monde pictural. Faut-il avoir gardé une âme d’enfant pour tomber sous le charme ? Si, depuis de nombreuses années, les dessins de Bernard Boucheix n’ont cessé de lui procurer « des plaisirs du jour », c’est pour continuer d’abreuver ses rêves de petit garçon. Légendes, histoires romanesques, contes de fée...
« Il y a bien en chacun de nous une part qui n’a jamais voulu grandir... Rêver du passé, s’inventer des histoires pour mieux créer l’avenir... On porte en soi l’enfance en héritage... Alors, donner du bonheur est une nécessité vitale, créer son monde, son paradis des illusions perdues est chose ardue. Ne jamais s’en lasser est un challenge... Il n’y a pas de mal à se faire du bien : l’essentiel est d’y croire. »
Minimalist and chivalrous art
In an attempt to preserve the purity of his schoolboy drawings, the artist likes to strip them of colour as a way to express sobriety. One of his priorities is to retain the spontaneity of childhood without taking aesthetics into account. He always revels in discovering the next relief on which he will construct his ephemeral architecture. All his chateaux and dwellings, his bell towers and villages grow from the imagination of a man who transposes throughout Europe the Auvergne mountains that emerged from French soil.
The artist bores easily, so each work must afford a moment of pleasure.
In the first instance, a mountain or rocky spur appears by pure chance. This last will determine where he places the buildings he wishes to create. Perspective is the artist’s ultimate goal. The desire to open up ever more distant horizons and open the doors of our imagination is a constant.
What lies behind the mountain? Nobody knows. It is up to us to use our imagination and take a journey. In any case, every work is unique. The drawings of an eternal child living in a world of adults. Simple, pared back pictures that are given levity through their absence of colour. This deliberate sobriety reflects the character of an artist who is set on reaching his goal and avoiding anything superfluous that might weigh down space with an accumulation of colours or monuments... He wants this space to be ever lighter, as though suspended on a thread. To find lightness in a stroke, in a curve … rather than seeking a colour that might make the landscapes heavier and more fixed in their transparency. The paper provides foundation enough. On canvas, just one colour is enough to make him happy. Never tiring of a drawing, preserving this characteristic steadfastness and lightness, as it is in his imagination.
“Why complicate life when it can be simple?” Tirelessly expressing the pleasure of drawing and allowing the glide of the “accidental curves” that create the reliefs. Anything else is just a construction.
Each work is signed, dated and referenced in the artist’s inventory to attest its authenticity. A prolific artist since 1978, more than 10,000 drawings have been inventoried in his distinctive black-cover drawing books. He no longer counts the thousands of pages or simple bits of paper, “no sooner drawn, no sooner discarded”. His work is unique. This has never before been seen in the world of art. To forever preserve the primitive spontaneity of a child who despite time’s passage, seeks to religiously immortalise the childlike enthusiasm that made him happy. To preserve that which is most pure in order to continue expressing his dreams and create a timeless, and highly personal, body of work.
“Whether admired or despised, we don’t need a signature in order to recognise the mark an artist has made on the world of art. His distinctiveness must be unique. His œuvre will be defined in history.”
Why reveal the intimate expression of a being for whom multiplicity and continuity over time express a facet of an art that is often underestimated because of its simplicity? Producing as he says, “a pictorial history showing currents of art or currents of air”, his strokes are minimalist as are his colours. Space is his domain, comparable to the silence that is indispensable to classical music. This figurative art arises from this point in time. Improvised, popular art. Work that distinguishes itself by its uniqueness. Disconcerting, the work is notable in the originality of its theme and in the lack of sophistication of its approach. It would be heresy to suggest that everything has already been done in the world of art and that our contemporaries’ last remaining hope of standing out is by being provocative. It isn’t empty to believe that only the self-taught are able to look at the pictorial world with a fresh eye. So must we possess a childlike spirit in order to be captivated by the work? If Bernard Boucheix’ drawings have brought him “daily pleasure” over a period of many years, then it is in order to continue nourishing his childhood dreams. Legends, Romanesque history, fairy tales...
“There is a part in each of us that has never wanted to grow up... dream of the past, make up stories to better understand the future... We carry within us a childhood that is our heritage... So, providing pleasure is a vital necessity, creating our world, our paradise of lost illusions is an arduous task. To never grow tired of it is a challenge... There is no harm in doing good for oneself: the important thing is to believe in it.”